
Début 2023, le GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur l’Evolution du Climat – IPCC pour les anglophones) a publié son 6ème rapport. Il détaille la situation actuelle, les scénarios possibles ainsi que les actions à mettre en place si l’humanité souhaite limiter les effets néfastes du changement climatique.
Cet article résume les informations clés issues de la synthèse à destination des responsables politiques.
Etat des lieux
Il est aujourd’hui admis que c’est l’activité humaine qui engendre le changement climatique que l’on observe. En effet, les modèles montrent que l’activité non-humaine (volcanique, solaire, …) représente une variation de seulement -0,2°C à +0,2°C sur la température de notre atmosphère. Pour rappel, on peut déjà observer une augmentation de +1,1°C entre l’ère pré-industrielle et aujourd’hui.
Ce réchauffement est majoritairement dû aux émissions de CO2 émis lors de la combustion d’énergie fossile. La concentration en CO2 de l’atmosphère atteint actuellement 410 ppm (parties par million), ce qui est supérieur aux concentrations des 2 derniers millions d’années.
D’autres Gaz à Effet de Serre (GES) sont également en cause, en particulier le méthane (CH4) et le protoxyde d’azote (N2O) qui dépassent également des niveaux de concentration atmosphérique supérieurs aux 800 000 dernières années. Ils sont notamment émis par le secteur agricole (fermentation entérique des ruminants, fertilisants azotés à destination des productions végétales, fermentation des déjections animales, …). Le secteur agricole représente 22% des émissions de GES planétaires.
Ces évolutions de concentration en GES engendrent déjà des effets concrets sur notre environnement, entre autres :
- le rehaussement du niveau de la mer de 20 cm entre 1901 et 2018
- des vagues de chaleur extrême
- la baisse importante de la biodiversité
Risques et réponses de long terme
Quoi que l’humanité décide de faire, l’augmentation de la température continuera à court terme du fait de l’inertie des gaz à effet de serre. Selon les modélisations, cette augmentation devrait dépasser les +1,5°C.
3 scénarios à 2100 sont mis en avant par le GIEC :
- bas : +1,4°C
- intermédiaire : +2,7°C
- élevé : +4,4°C
Quel que soit le scénario, la zone équatoriale serait fortement touchée par des chaleurs extrêmes combinées à un taux d’humidité important. Dans le scénario à +4,4°C, cette région du monde devient inhabitable pour l’être humain la très grande majorité de l’année. En effet, les niveaux de chaleur et d’humidité empêcheraient d’évacuer la chaleur corporelle (hyperthermie mortelle).
Bien sûr, il en va de même pour beaucoup d’autres organismes vivants présents dans ces zones.
En plus de cela, selon les scénarios, le niveau des océans sera élevé de 55 cm à 1 m d’ici à 2100, les maladies physiques et psychologiques vont augmenter, les rendements alimentaires risquent de diminuer et d’entrainer des conflits géopolitiques.



Figure SPM.3 – 6ème rapport du GIEC
Il est possible de contenir les impacts à des niveaux acceptables si nous réduisons drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre dans les 10 années qui viennent, puis en atteignant la neutralité carbone entre 2050 et 2070 (Dans le deuxième cas, la température globale serait élevée de +2°C par rapport à l’ère préindustrielle).
Il est important de comprendre qu’une augmentation supérieure à +1,5°C engendrerait un phénomène d’emballement (relâchement de GES emprisonnés dans les glaces, les prairies ou les marécages, ..) qui rendra encore plus difficiles la lutte et l’adaptation face au changement climatique. Il est donc préférable de viser cet objectif. Il faut également être conscient que certains dégâts resteront irréversibles à l’échelle de plusieurs générations d’êtres humains (fonte des glaces, élévation du niveau de la mer).
Les réponses de court terme
Comme vu dans la partie précédente, il est urgent de mettre en place des actions fortes permettant de réduire drastiquement les émissions de GES, mais également de s’adapter à un monde où notre environnement est modifié. Pour cela, il est nécessaire de coordonner les efforts à tous les niveaux : international, national, régional, que ce soit dans le secteur public ou privé, et même citoyen. Il est indispensable de prendre en compte une justice et une équité entre chacun des acteurs pour qu’un tel système fonctionne.
Le tableau suivant permet de prendre conscience des coûts financiers à concéder pour mettre en place les principales solutions de décarbonation :


Figure SPM.7 – 6ème rapport du GIEC
Pour compléter les actions du tableau ci-dessus :
- Energie
- Rôle important du solaire et l’éolien dans la décarbonation (<20$/teqCO2)
- Rôle important de l’efficacité énergétique (<20$/teqCO2)
- Rôle important de la réduction des émissions de CH4 à court terme
- Nécessité de diversifier les productions d’énergie et d’améliorer sa gestion (demande, stockage)
- Industrie et transport
- Développement d’un meilleur management de l’énergie (exemple : ISO 50001)
- Développement d’une économie circulaire (valorisation des coproduits et déchets)
- Utilisation de biocarburants, d’hydrogène vert pour l’aviation et le transport lourd (nécessite des optimisations de process et de coût)
- Electrification des véhicules (nécessite des améliorations en particulier pour le transport lourd et notamment sur les batteries : capacité, gestion des ressources rares)
- Villes et infrastructures
- Prise en compte du changement climatique dans l’organisation et les infrastructures de la ville
- Développement des mobilités douces et des transports en commun
- Construction ou rénovation performante d’un point de vue émissions GES et adaptation au changement climatique
- Electrification (chauffage)
- Développement des espaces vert et bleu
- Terres, océans, alimentation, eau
- Reforestation et protection des zones naturelles
- Régime alimentaire plus équilibré
- Réduction du gaspillage sur l’ensemble de la chaîne alimentaire
- Intensification durable des productions agricoles (entraîne un gain d’espace naturel ainsi qu’une réduction de CH4 et N2O)
- Fourniture de matériaux pour d’autres secteurs en substitution de matériaux polluants
- Optimisation des cultures, agroforesterie, diversification des productions (adaptation)
- Conserver les services écosystémiques liés à la biodiversité (nécessité de protéger 30 à 50% de la surface terrestre et maritime)
- Santé et nutrition
- Amélioration de l’accès à l’eau potable
- Société
- Politique climatique et équité sociale
- Education (formation des citoyens)
Au-delà des aspects financiers et des bénéfices liés à la réduction du changement climatique, une accélération de la transition permettrait des co-bénéfices intéressants. Voici quelques exemples : amélioration de la qualité de l’air (diminution des particules fines), de la santé humaine (marche, vélo, …), de la productivité agricole, de la sécurité alimentaire, de la biodiversité, …
Conclusion
Pour réussir la transition, il faut des objectifs clairs et des politiques communes incluant la problématique climatique à tous les niveaux (régional, national, international).
Des outils fiscaux (“taxe carbone”) et réglementaires, mais également une facilitation de l’accès aux financements des projets bas carbone et d’adaptation (en particulier la finance publique qui a un rôle majeur pour inciter le financement privé) sont nécessaire face aux enjeux en cours et à venir.
Pour rester sous les 2°C de réchauffement, il faudrait 3 à 6 fois plus de ressource financière qu’aujourd’hui. Malgré cela, il serait moins coûteux pour la société de mettre en place ces actions de réduction et d’adaptation dès aujourd’hui comparé aux coûts des dégâts climatiques que l’on devra supporter.

