Après le bilan carbone de son organisation, de son produit et ou de son évènement, vient toujours la question : que faire maintenant ? C’est à ce moment que les acteurs peuvent s’engager dans une stratégie de réduction de leur émissions de gaz à effet de serre. Mais quelles sont les raisons de se lancer dans cette aventure ? Cet article va répondre à cette question en abordant différents aspects réglementaires, économiques, marketing, etc…
Bonne lecture !
1 – Réduire les effets du changement climatique
Le Groupe Intergouvernemental d’Experts du Climat (GIEC) met en évidence, et ce depuis plusieurs années, que les activités humaines engendrent de grandes quantités de Gaz à Effet de Serre (GES).
Ces GES sont majoritairement représentés par le dioxyde de carbone (CO2), mais également par le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O) et les gaz fluorés (HFC, PFC, SF6, NF3), qui ont la capacité d’absorber les infrarouges.
Schéma de l’effet de serre (source : save4planet)
Cette caractéristique engendre une accumulation d’énergie à la surface de la planète, qui est à la fois bénéfique (sinon il ferait -15°C en moyenne), mais peut devenir problématique quand la quantité de GES devient trop importante. Elle entraine ainsi un réchauffement global de la température ayant pour effet de provoquer des dérèglements climatiques.
Ce dérèglement pourrait être très problématique pour l’espèce humaine, en particulier sur la production de matières premières agricoles. En effet, les productions végétales risquent d’être fortement touchées par des variations climatiques trop brutales (périodes de sécheresse, fortes pluies, gel, …), et perdre en rendement.
D’un autre côté, la population mondiale ne cesse de croître et engendre une consommation de ressource plus importante. Un grave dilemme est en train de se dessiner.
De plus, l’impact des GES sur le climat est un processus ayant une inertie très importante. Même si nous arrêtions aujourd’hui d’émettre la totalité de nos GES, le réchauffement continuerait durant plusieurs décennies. Nous devons donc faire avec cette conclusion et essayer de limiter les dégâts au maximum pour éviter un impact trop important sur nos vies et sur nos activités. A l’heure actuelle, un réchauffement de plus d’1°C par rapport à 1850 est déjà observé. Les prévisions du GIEC prévoient différents scénarios, le pire étant au alentour de +5°C. C’est la différence de température entre la dernière aire glacière et aujourd’hui.
C’est pour cela qu’il est primordial de s’engager activement dans une stratégie de réduction GES pertinente et ambitieuse, avec des objectifs chiffrés et des ressources allouées.
Un prochain article sera dédié à l’adaptation au changement climatique, qui est un sujet extrêmement important, en particulier sur les productions de denrées alimentaires.
2 – Anticiper les réglementations environnementales
Plusieurs réglementations sur les émissions de GES existent et impactent en particulier les grandes entreprises depuis quelques années maintenant.
C’est le cas de la loi énergie-climat, qui impose à certaines organisations (entreprises, service de l’Etat, établissements publics, …) de réaliser un Bilan des Emissions de Gaz à Effet de Serre (BEGES) à une fréquence de 3 ou 4 ans. Cette évaluation est basée sur la méthodologie Bilan Carbone. Cependant, la partie purement réglementaire est aujourd’hui moins exhaustive qu’un Bilan Carbone complet. En effet, il ne prend en compte que les Scopes 1 et 2 de l’organisation, autrement dit, principalement les émissions liées à la consommation d’énergie, aux fluides frigorigènes et au transport réalisé en propre. Cela représente souvent la plus petite d’un part d’un Bilan Carbone (20% pour le secteur de l’agroalimentaire), la majorité de l’impact étant souvent dû à la phase de production des matières premières ou d’utilisation du produit, tout deux dans le Scope 3.
Les grandes entreprises assujetties au rapport DPEF doivent également réaliser une évaluation de leurs émissions de GES (sur les 3 scopes) et y associer une stratégie de réduction de long terme.
Dernièrement, la loi Climat et Résilience a été adoptée par l’Assemblé Nationale et le Sénat. Elle fait suite à la création et aux propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat. De nombreuses mesures vont toucher directement ou indirectement les entreprises et les particuliers. Cette loi mérite un article à elle seule, mais en voici les points clés :


- Durcissement et élargissement du Système Européen d’Echange de Quotas d’Emission (SCEQE = marché européen du carbone) :
- Intégration du transport maritime
- Arrêt des quotas gratuits pour l’aviation
- Création d’un marché parallèle pour les secteurs du transport routier et du bâtiment
- Création d’un système de taxation carbone au frontière de l’Europe (CBAM : Carbon Border Adjustment Mechanism) :
- Mettre en place un prix du carbone équivalent au SCEQE sur les importations
- Sur le court terme (2023), les secteurs concernés seront l’énergie, l’acier, l’aluminium, le papier, le verre, les produits chimiques et les engrais
- Création d’un fond social pour le climat :
- Financer la transition des foyers les plus modestes pour éviter un épisode gilets jaune au niveau européen
- Budgets transférés aux pays membres selon l’ambition de leur stratégie énergie-climat
- Rénovation massive des bâtiments
- Augmentation du stockage de carbone par une gestion plus durable des forêts et des terres (objectif : stockage de 310 millions de tonnes de CO2 pour 2030)
- Amélioration de l’efficacité énergétique (-37% à 2030) et augmentation de la part d’énergie renouvelable dans le mix européen (40% à 2030)
L’ensemble de ces mesures sont en encore en cours de discussion entre les pays membres. Affaire à suivre…
3 – Anticiper l’augmentation des taxations carbone
Il n’y a pas un, mais plusieurs outils de taxation sur les émissions de gaz à effet de serre. A l’heure actuelle, de nombreux pays ont déjà mis en place une taxation carbone sur les énergies pour inciter les industriels et les particuliers à modifier leurs pratiques.
La monétisation du carbone
Deux systèmes réglementaires sont d’ores et déjà en place pour mettre un prix sur les émissions de GES :
- Les taxes carbone nationales (exemple : taxe sur les carburants en France)
- Les systèmes de quotas d’émission (exemple : SCEQE en Europe)
Le système de taxe carbone nationale touche l’ensemble des entreprises et des citoyens du pays. En France, on l’appelle la Contribution Climat-Energie (CCE), que l’on retrouve dans le prix des énergies comme le gaz naturel, le charbon ou encore les carburants. Ce système permet d’orienter les choix d’investissement vers des technologies moins émettrices, mais peut poser certains problèmes. Cela a été le cas en France, où l’augmentation du prix des carburants, en partie liée à l’augmentation de la CCE, a provoqué de violentes manifestations. N’ayant pas d’alternative efficace pour se déplacer sur de longues distances, les ménages les plus modestes se sont retrouvés en difficulté. C’est pourquoi, le gouvernement actuel a décidé de geler cette augmentation de taxe jusqu’à nouvel ordre.
Cependant, des sondages montrent que les français seraient prêts à supporter une taxation carbone plus juste socialement.
Selon la dernière édition du baromètre sur les représentations sociales du changement climatique, 54 % des Français se montrent favorables à une augmentation de la taxe carbone (niveau d’approbation pré-Gilets jaunes retrouvé). L’acceptation d’un prix croissant du carbone devient même très largement majoritaire (76 %) quand on spécifie une condition de réalisation (« que cela ne pénalise pas le pouvoir d’achat des ménages des classes moyennes et modestes ») et une finalité (« financer des mesures de transition écologique »). Cette conditionnalité entraîne l’approbation d’un pourcentage important de répondants a priori hostiles à l’augmentation de la taxe carbone : parmi ceux qui jugent l’augmentation de la taxe carbone « pas souhaitable », 57 % sont favorables à un prix croissant du carbone conditionnel. Baromètre ADEME mars 2021
En France, ce type de taxe pourrait être élargie à d’autres secteurs, notamment le secteur agricole avec la taxation des engrais minéraux, évoqués dans la loi “Climat et Résilience” adoptée en août 2021.
D’autres modèles de taxation existent. C’est le cas des systèmes d’échange de quotas d’émission que l’on peut retrouver sur plusieurs continents. Ce système est différent de la taxation pure et fonctionne comme un marché boursier avec un prix de la tonne de carbone variant selon l’offre et la demande. Contrairement aux taxes nationales, seuls certains sites industriels sont touchés par cette monétisation des émissions de GES.
C’est en Europe que ce concept est le plus développé. On appelle ce marché le Système Communautaire d’Echange de Quotas d’Emission (SCEQE). Les sites industriels (SIRET) respectant certaines conditions (exemple : plus de 20MW de puissance thermique installée) sont automatiquement assujettis à ce marché et doivent payer tout ou partie de leurs émissions chaque année à l’Europe.
Les secteurs inclus dans le SCEQE sont les suivant :
- Electricité et chaleur
- Raffinerie
- Métaux ferreux et non ferreux
- Ciment et chaux
- Verre
- Céramique
- Pâte à papier
- Industries chimiques et pétrochimiques
- Aviation et transport maritime
En parallèle, l’Europe veut créer un marché distinct pour les secteurs du transport routier et du bâtiment dans le cadre du Green New Deal.
Le cours de ce SCEQE a longtemps été très bas, mais depuis quelques années, et particulièrement depuis la pandémie de COVID, le prix a considérablement augmenté (plus de 60€ aujourd’hui contre 5€ il y a quelques années). Cela est dû à la mise en place de la “Réserve de Stabilité du Marché” qui permet de modifier la balance offre-demande. Des quotas carbone disponibles sur le marché peuvent être placés dans cette réserve pour diminuer l’offre et provoquer une augmentation mécanique du prix. De ce fait, le SCEQE n’est pas un marché classique mais un marché très politisé. La commission européenne peut décider du prix des quotas.
Graphique de l’évolution du cours du quota carbone EU-ETS (source : https://sandbag.be/index.php/carbon-price-viewer/)
Cette forte augmentation a permis de réaliser ce que l’on appelle le “fuel switch“, c’est-à-dire le passage du charbon au gaz naturel dans les centrales de production d’énergie. Le charbon étant plus émetteur de CO2 que le gaz naturel, il devenait moins intéressant économiquement. Cela a donc permis de réduire les émissions GES du territoire européen.
Source : I4CE
4 – Profiter d’opportunités de financement
Ce dispositif a pour but de décarboner la France par la subvention de projets d’envergure dans le domaine de l’efficacité énergétique, mais également des projets de décarbonation (production d’énergie renouvelable, combustion de CSR, …).
L’ensemble des subventions pour les actions écologiques représentera 30 Milliards d’euros (dont 1,2 Milliards pour la décarbonation de l’industrie).
Dans le cadre du Green New Deal, l’Europe a la volonté de mobiliser 1000 milliards d’euros dans la 10 prochaines années afin de rendre le territoire durable.
Ce financement massif sera réparti en trois piliers :
– le fond pour une transition juste, pour aider les régions les moins développées d’Europe à réaliser une transition écologique.
– le flux de financement InvestEU, dédié à des projets d’investissement en faveur du climat.
– le prêt de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) soutenu par le budget de l’UE, pour aider le secteur public à investir dans des projets de transition, en particulier après la crise sanitaire.
Certaines entreprises, particuliers, collectivités, … souhaitent compenser tout ou partie de leurs émissions de gaz à effet de serre. Ce mécanisme est appelé “compensation volontaire“. il résulte de l’achat de réduction ou de stockage de GES (plantation d’arbre, réduction des consommations énergétiques, …).
Le but premier est de pouvoir contribuer à la transition écologique et communiquer sur cette dernière. Ce type de système a été fortement critiqué, car la plupart des compensations carbone se sont faites dans des pays en voie de développement, à des prix très faibles (<5€/teqCO2*), et sans de vérifications fiables. C’est pourquoi plusieurs systèmes de certification ont vu le jour pour gagner en fiabilité.
Le Label Bas-Carbone (LBC) est un système de certification de crédits carbone volontaires spécifique à la France. Il est proposé en 2019 par la Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire et a pour but de financer des projets de réduction ou de stockage de GES sur le territoire français et spécifiquement dans les secteurs de l’agriculture et de la forêt. Il permet aux agriculteurs de bénéficier d’un coup de pouce pour investir dans des technologies ou des pratiques réduisant l’impact climatique.
Fonctionnement général du Label Bas-Carbone (source : MTES)
Un article sera dédié au fonctionnement de cette labellisation.
*Tonne équivalent CO2 (les différents gaz à effet de serre sont ramenés à l’unité de référence : le CO2)
De nombreuses aides de l’ADEME sont disponibles pour réaliser des études environnementales (Analyse de Cyle de Vie, éco-conception, …), investir dans des technologies d’avenir (méthanisation, outils de traitement de déchets, …) ou développer des produits innovants (APP alimentation durable).
Dans la plupart des cas, l’ADEME demande une première évaluation de la performance carbone du projet afin de savoir s’il permet d’améliorer cet aspect ou non.
5 – Améliorer son image
- Des citoyens, des clients, des consommateurs, des territoires
Des études montrent que les consommateurs français sont de plus en plus sensibles au sujet de climat. C’est le cas d’un sondage de l’ADEME, réalisé en 2021, qui montre que 72% des français seraient favorables à une augmentation de la taxe carbone à la condition que celle-ci soit plus juste socialement. Ce sondage montre également que 50% des français seraient prêts à boycotter certains produits pour lutter contre le changement climatique.
De ce fait, les industriels ayant la volonté d’anticiper cela et de décarboner leurs activités peuvent également privilégier des fournisseurs ayant une stratégie de réduction GES cohérente et ambitieuse.
Pour répondre à ces attentes, plusieurs initiatives se mettent en place. On retrouve l’éco-score ayant pour but de comparer la performance environnementale globale des produits de consommation. D’autres labels plus spécifiques au carbone émergent, comme le label CO2-neutral ou Carbon Trust. Cependant, il est encore compliqué de communiquer sur ces notions au niveau des produits.
- Des salariés, des chercheurs d’emploi
De plus en plus d’entreprises sont dites “à mission”. C’est-à-dire qu’elles n’existent plus seulement pour réaliser un chiffre d’affaire, mais également pour répondre à des problématiques sociétales (article LinkedIn). Ces organisations attirent de nombreux talents, car elles portent des valeurs fortes qui correspondent à celles de la génération actuelle.
6 – Innover et créer de la valeur ajoutée
- Améliorant la résilience de son organisation vis-à-vis à des énergies fossiles, ce qui a pour effet d’être moins dépendant des cours très fluctuant de ces dernières.
- Développant une culture de l’économie circulaire, permettant de valoriser ses coproduits et déchets, mais également ceux d’autres entités locales.
- Promouvant la sobriété, permettant d’optimiser les achats, les process, les consommations d’énergie, … et ainsi réduire la facture.
- Segmentant ses offres pour proposer des nouveaux produits de haute qualité environnementale, permettant de potentiellement gagner des parts de marché.

Excellent article !
Merci pour ce retour Fabrice ! A bientôt !